Qu’on soit auteur, autrice, éditeur, éditrice, libraire ou bibliothécaire, la communication passe par le digital. Communiquer en ligne pour y promouvoir ses activités, c’est une chose. Communiquer en ligne sans y commettre d’impair juridique en est une autre, à ne pas négliger. Petit passage en revue.
Lors des Rencontres de l’Edition et du Numérique 2019, Viviane Gelles, avocate associée chez Jurisexpert, a dispensé un atelier sur la dimension juridique de la communication online. Spécialisée dans le droit des nouvelles technologies, de l’internet et de la propriété intellectuelle, Viviane Gelles est une avocate française active sur le territoire français pratiquant le droit français. Le présent article, compte-rendu de son atelier, est donc à considérer avec les précautions d’usage.
Communiquer sur les réseaux sociaux, à travers une newsletter ou via son site internet, ce n’est pas qu’utiliser les hashtags populaires ou proposer du contenu engageant. C’est aussi s’assurer de la légalité du contenu diffusé par ses soins.
Diffamation et dénigrement : comment modérer les commentaires de ses abonné-es ?
En France, il existe ce qu’on nomme le droit de la presse, issu d’une loi de 1881. A l’heure des réseaux sociaux, ce droit demeure très important, car il régit notamment la diffamation dans les commentaires de tiers postés sur Facebook, Twitter, etc.
Il s’agit ici de différencier la diffamation et le dénigrement ; la diffamation est le fait de porter atteinte à l’honneur à la réputation d’une personne physique ou morale en faisant référence à un fait donné. Le dénigrement concerne des biens ou des services particuliers.
Pour (se faire) poursuivre en diffamation et en dénigrement, la question de la prescription est centrale ; pour la diffamation, à poursuivre en pénal, le délai est de 3 mois, qui commence à courir à la date de publication du commentaire originel (les retweets ne prolongent pas ce délais). Pour le dénigrement par contre, à poursuivre au civil, le délai de prescription est 5 ans.
Pour éviter d’être poursuivi en diffamation ou en dénigrement, faut-il une modération a priori ou a posteriori des contenus postés par les tiers ? Si la modération se fait a priori, c’est-à-dire si les commentaires doivent être validés par le-la modérateur-trice avant leur publication, on est considéré comme éditeur-trice de contenu. Si la modération se fait a posteriori, c’est-à-dire si les commentaires ne doivent pas être validés avant leur publication, on revêt la qualité d’hébergeur-euse de contenu. L’hébergeur-euse de contenu occupe une position plus confortable car il-elle ne doit intervenir que si un commentaire lui est notifié et est manifestement illicite (haine raciale ou pédopornographie, par exemple). Un délai raisonnable de réaction est alors estimé à 48 heures. Pour le reste, il-elle ne peut alors être tenu-e pour responsable des propos tenus par des tiers sur son site internet ou les réseaux sociaux.
Comment utiliser une image faite par un tiers ou représentant un tiers ?
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Le droit d’auteur
Peut-on utiliser une ressource (image, texte, etc.) protégée par le droit d’auteur ? Sans autorisation, non évidemment. Mais comment déterminer si cette ressource est protégée ? Toute œuvre originale dite de l’esprit, empreinte de la personnalité de son-sa auteur-trice, est protégée par défaut. C’est le cas peu importe si une mention de copyright est affichée ou non, et également peu importe le genre concerné : d’une photo à un billet d’humeur, le côté méritant ou talentueux n’a rien à voir avec l’application ou non du droit d’auteur.
En matière de droit d’auteur, la règle est plutôt que, si ce n’est pas protégé, c’est indiqué comme tel. Ceci étant, si un bouton de partage sur un réseau social déterminé est présent, ceci sous-entend généralement que le partage sur ledit réseau est autorisé.
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Le droit à l’image
Le droit à l’image consiste dans l’autorisation qui est, ou pas, donnée par des tiers à ce que des images sur lesquelles ils figurent soient utilisées à des fins de communication.
C’est pourquoi, lorsque ces tiers participent à des événements et qu’il est prévu d’y prendre des photos, il s’agit de demander par écrit leur autorisation pour l’utilisation des photos où ils figurent et sont reconnaissables. Il ne faut pas omettre de préciser le nombre d’années d’utilisation, qu’il n’y aura pas de rémunération et qu’un droit à la révocation de l’autorisation existe.
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Les droits voisins
Si vous comptez utiliser, par exemple, une chanson à des fins de communication, vous verserez des droits d’auteur au-à la compositeur-trice de la musique et à l’auteur-trice du texte. Quant à l’interprète, il-elle touchera ce qu’on appelle les droits voisins. Si vous faites une reprise de la chanson, seuls les droits d’auteur seront ainsi dus, les droits voisins ne s’appliquant pas.
Utiliser la concurrence pour son référencement
Peut-on utiliser la concurrence pour optimiser son référencement ? En d’autres termes, est-il autorisé d’utiliser le nom de la marque concurrente pour être mieux référencé, que ce soit via Google AdWords ou le code source de son site web ?
La jurisprudence se montre clémente en la matière puisque, s’il n’y a pas de lien économique affiché (ce qui est le cas si on achète des mots clés auprès de moteurs de recherche, ou qu’on en utilise dans les métadonnées de son site internet), c’est autorisé. Seul le lien économique affiché (si on parle du concurrent dans un article de son site) est proscrit. Notons que la jurisprudence sera vraisemblablement amenée à évoluer vers une interprétation plus stricte.
Du contrat du Community Manager
Lors de l’engagement d’un-e Community manager, Viviane Gelles recommande de déterminer par écrit les règles de la communication d’entreprise : quels sont les sujets autorisés, tabous, le vocabulaire utilisé (ton institutionnel, ou non), qui détient la propriété des comptes sociaux qui seraient créés, etc.
Image de marque 2.0
Par ailleurs, il est aussi très important de surveiller son e-réputation. Celle-ci est influencée par les client-es, les salarié-es et les concurrent-es (qui peuvent mener des campagnes de dénigrement avec de faux avis de consommateurs-trices, une pratique trompeuse condamnable mais qu’il faut pour cela repérer).
En cas d’avis pouvant porter préjudice à l’image de marque, il convient de réagir. Il est ainsi possible de commencer par le signalement du contenu litigieux, d’exercer un droit de réponse ou de demander le retrait du contenu. Il est par ailleurs recommandé de créer du contenu positif en parallèle, qui viendra rendre moins visible les contenus nuisant à l’e-réputation. Si cela ne porte pas ses fruits, il peut être possible d’exercer le droit à l’oubli auprès de la presse (ex: suppression dans un article du nom d’une personne condamnée ayant purgé sa peine, mais avec maintien de l’article), ou de demander le déréférencement du contenu négatif en s’adressant aux moteurs de recherche.
Traitement des données à caractère personnel
En application du RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données), il convient de créer une politique de confidentialité, en ce compris pour les réseaux sociaux. Par exemple, si un concours y est organisé, quelles sont les données qui sont collectées dans ce cadre, comment sont-elles collectées, dans quel but, pour combien de temps, qui y a accès, etc. Par ailleurs, il est de plus en plus question de mentionner également ce qu’il advient des données en cas de décès de l’utilisateur-trice.