Comment mettre en avant la librairie dans le parcours d’achat multicanal ? Comment introduire davantage de service et enrichir l’expérience client ? Quels sont les moteurs de croissance des libraires européens qui réussissent ? Eléments de réponses de Delphine Bouetard et Anne-Laure Vial (Ici Librairie), Philippe Goffe (Association internationale des Libraires francophones) et Fabian Paagman (Fédération européenne et internationale des Libraires), orateurs aux Assises européennes du Livre.

Les Assises européennes du Livre, premières du nom, se déroulaient début mars, en marge de la Foire du Livre de Bruxelles 2020. Quelque 200 professionnels du livre avaient bravé le coronavirus pour venir notamment écouter cette seconde table ronde.

Pour Philippe Goffe (fondateur de la Librairie Graffiti à Waterloo et administrateur de l’AILF, l’Association internationale des Libraires francophones), Amazon est particulièrement redoutable dans les grandes villes d’Europe où il n’y a pas de prix unique du livre. En effet, la force d’Amazon, outre une base de données gratuite, ce sont aussi des prix défiant toute concurrence…sauf en Belgique et en France, où le prix du livre est encadré. Amazon, c’est par ailleurs un stock redoutable et un acheminement très rapide, auxquels il est difficile de se mesurer. C’est pourquoi les libraires doivent jouer sur la convivialité pour se démarquer, plutôt que de courir derrière les GAFA. Les librairies doivent ainsi être de « petits théâtres ». Ceci étant, pour Philippe Goffe, ce n’est pas la première fois qu’un disrupteur arrive sur le marché du livre, rappelant l’épisode Fnac dans les années 1980 et le compromis éditorial libraire-éditeur s’en étant suivi. Enfin, dans un monde du livre ou la surproduction littéraire place les librairies sous étouffoir, il est bon de se rappeler que le libraire n’est pas un amplificateur de marketing mais bien un défricheur qui contribue à financer la création. 

Fabian Paagman est le fondateur de Paagman Boekhandels aux Pays-Bas. Il est aussi co-président de la Fédération européenne et internationale des libraires. Amazon est-il une menace ? Pour lui, c’est plutôt une opportunité car le plus important, c’est la capacité entrepreneuriale à s’adapter. 

Delphine Bouetard et Anne-Laure Vial sont les co-fondatrices de la Librairie Ici à Paris. Pour elles, après la montée en puissance des GAFA, il y a désormais à nouveau de la place pour le commerce de proximité. Et le commerce du livre, quand il s’inscrit dans ce type de projet, y fait totalement écho. Delphine Bouetard et Anne-Laure Vial souhaitent ainsi insuffler du sens, rassembler les communautés dans ce qui constitue un havre de paix et un phare de culture dans la ville. A leur sens, la lutte contre Amazon est technologique car, oui, il faut de la vente en ligne et être réactif sur les stocks ou les acheminements. Mais cette lutte n’est pas que technologique : 10% de leur espace de librairie n’est pas marchand. Par ailleurs, elles organisent des débats, des escape games,…Elles font de leur librairie un lieu de vie. Enfin, la création d’une marque et l’entretien d’une relation avec les lecteurs via les réseaux sociaux sont évidemment essentielles. 

On le voit, pour lutter contre Amazon, les libraires semblent s’entendre sur une méthode : non pas courir derrière ce GAFA, mais bien cultiver leur différence. Construire des lieux de vie, édifier des petits théâtres, en opposition à ces grands entrepôts où on trouve de tout sauf une âme et de la valeur ajoutée.

Mercredi 4 mars