La Fédération Wallonie-Bruxelles a adopté ce matin, en séance plénière et en lecture unique, un plan de soutien à la chaine du livre francophone belge, attendu depuis déjà plusieurs semaines. Basé sur un plan d’action proposé par le PILEn et ses associations membres, ce plan ne reprend malheureusement qu’une partie des mesures qui devaient permettre à notre secteur de sortir la tête de l’eau, déséquilibrant ainsi le fruit d’un travail de longue haleine et d’une solidarité sans faille. Retour sur deux mois de mobilisation et mise en exergue des pièces manquantes.

La crise de la COVID-19 impacte tout l’écosystème du livre, dans lequel les catégories d’acteurs sont interdépendantes les unes des autres. La période actuelle engendre des pertes d’activités et de revenus immédiates. Les pertes d’activités, de revenus et d’emplois ont déjà été estimées à plus de soixante millions d’euros, seront durables, et se cumuleront.

La crise sanitaire et économique a révélé un besoin de culture et de lecture que les offres en ligne ne peuvent suffire à satisfaire. Pour préserver une richesse culturelle, socle d’une société instruite et gage de démocratie, ainsi qu’un redéploiement raisonné de toute la filière, il est nécessaire pour chacun des acteurs de redéfinir les objectifs et les priorités dans un contexte nouveau. Redéployer les projets est une priorité, pour sauver ces milliers d’heures de travail investies avant la crise, capitaliser sur leur état d’avancement et accélérer la relance économique en maintenant l’activité artistique et la diversité culturelle.

Depuis le début de la crise, le PILEn – Partenariat Interprofessionnel du Livre et de l’Édition numérique –, dont les six associations membres représentent l’ensemble des maillons de la chaîne du livre, est mobilisé. Nous avons alerté à plusieurs reprises les autorités publiques sur les pertes auxquelles tous les professionnels, quelle que soit leur taille, sont confrontés. Avec, au-delà, l’impact sur un secteur entre le marchand et le non-marchand, assez peu subsidié, à la fois culturel et économique, qui souffre du manque de concertation entre niveaux de pouvoir. Depuis le début de la crise, au sein du PILEn, auteurs, éditeurs, libraires, bibliothécaires ont travaillé sur un plan d’actions concrètes, notamment sur les modalités d’une politique d’achat massif de livres belges, pour 2 millions d’euros. Au total, nos propositions d’actions représentent un budget de 2,75 millions d’euros, comparable à ce qui a été alloué à d’autres secteurs culturels.

Le PILEn, et ses associations professionnelles membres – la Maison des Auteurs ASBL/SACD-Scam, l’ADEB (Association des éditeurs belges), les Éditeurs singuliers, le SLFB (Syndicat des libraires francophones de Belgique, l’APBFB (Association des professionnels des bibliothèques francophones de Belgique) et la FIBBC (Fédération interdiocésaine des bibliothèques et bibliothécaires catholiques) – ont demandé aux autorités compétentes que les grandes difficultés dans lesquelles se débat le secteur soient prises en compte. Et ce avec la prise immédiate de mesures d’urgence, suivie de la mise en place d’un dispositif de travail pour le redéploiement et d’un calendrier d’actions pour les prochains mois et années.

Avec la réouverture des librairies et des bibliothèques, nous avions très rapidement besoin que les fonds nécessaires aux actions recommandées soient débloqués selon le plan qui a été élaboré pour soutenir la chaîne du livre en Belgique francophone. Le retard pris pouvait en effet ajouter aux effets de la crise.

Ce 29 mai 2020, la Fédération Wallonie-Bruxelles a adopté en séance plénière une partie seulement des mesures proposées par les associations membres du PILEn. Si nous saluons le fait que l’entité fédérée s’engage enfin pour le secteur du livre francophone belge, nous regrettons que cet engagement n’apporte que des réponses partielles aux problèmes posés.

Ainsi, le montant des achats massifs de livres belges a été divisé par deux, en rejetant notre idée de chèques-livres que les lecteurs et lectrices auraient pu utiliser dans leurs librairies pour « acheter du belge ». Ces chèques-livres auraient non seulement aidé le secteur du livre, mais aussi contribué à la promotion de la lecture auprès du grand public, réel enjeu sur notre sol. Faut-il ainsi rappeler à la Fédération Wallonie-Bruxelles que nos élèves pointent à la dernière place européenne en compréhension à la lecture (22 % des enfants de 10 ans ont un niveau élevé ou avancé, contre 50 % dans les pays de l’OCDE) ?

Par ailleurs, 760.000 des 2.67 millions d’euros proviennent des fonds d’aide à l’édition et à la libraire, fonds déjà existants et pensés pour d’autres situations. 

Nous considérons par conséquent que le plan de soutien à la chaine du livre souffre d’un manque criant d’ambition, que nous ne pouvons que déplorer. Le PILEn va à présent prendre connaissance en détail du texte voté, mais annonce d’ores et déjà qu’il reste entièrement mobilisé en faveur de la sauvegarde de notre chaine du livre.

Pour le PILEn,

Philippe Goffe, Président du PILEn et pour le Syndicat des Libraires francophones de Belgique (SLFB),

Frédéric Young pour La Maison des Auteurs ASBL,

Benoit Dubois pour l’Association des Éditeurs belges (ADEB),

Thierry Horguelin pour les Éditeurs singuliers,

Françoise Dury, pour l’Association des Professionnels des Bibliothèques francophones de Belgique (APBFB),

Guy Marchal, pour la Fédération interdiocésaine des Bibliothèques et Bibliothécaires catholiques (FIBBC).