Les modèles économiques de l’édition doivent-ils être réinventés ? Une fiscalité avantageuse et la maîtrise des prix suffisent-elles pour les préserver ? Comment concilier tension économique forte et valorisation de la production éditoriale ? Quelles sont les stratégies gagnantes des leaders européens de l’édition ? Eléments de réponses de Claude de Saint-Vincent (Média Participations), Jean Spiri (Editis) et Kate Wilson (Nosy Crow), orateurs aux Assises européennes du Livre.

Les Assises européennes du Livre, premières du nom, se déroulaient début mars, en marge de la Foire du Livre de Bruxelles 2020. Quelque 200 professionnels du livre avaient bravé le coronavirus pour venir notamment écouter cette première table ronde.

Pour Claude de Saint-Vincent, directeur général de Média Participations, la stratégie est claire : Média Participations est un groupe multimédia. Ils sont éditeur de BD et de romans, producteur de jeux vidéo, éditeur de magazines, … Média Participations, c’est un producteur de contenus qui ont vocation à voyager, c’est-à-dire à être visibles sur un maximum de supports. Claude de Saint-Vincent prend ainsi l’exemple de Lucky Luke, visible sur 9 à 10 supports différents ; une adaptation cinématographique du célèbre cow boy favorise la bande dessinée originelle, permettant d’en booster les ventes.

Kate Wilson est managing director de Nosy Crow, maison d’édition de livres pour enfants créée en 2011. Depuis lors, la croissance annuelle moyenne de Nosy Crow est de 44%. En effet, Nosy Crow est très actif sur le marché des cessions de droits et des coéditions. En outre, 20% de la population mondiale parle anglais, la langue de leurs publications. Par ailleurs, le livre numérique n’est pas perçu comme une menace pour la littérature jeunesse aux yeux de Nosy Crow. Par contre, Nosy Crow est extrêmement vulnérable au contexte géopolitique mondial ; 90% des livres de Nosy Crow sont imprimés en dehors du Royaume-Uni, dont en Chine. Ceci étant, pour Kate Wilson, il est important de publier avant tout ce qu’on est en mesure de vendre. Cela rapproche le métier d’éditeur de celui d’épicier mais, dans la bouche de Kate Wilson, ce n’est pas un vilain mot.

Jean Spiri, secrétaire général d’Editis, estime que, dans un marché du livre saturé, il faut jouer à la fois sur l’offre et la demande. Il faut notamment miser sur l’impression à la demande (davantage de diversité éditoriale), sur le livre audio pour toucher de nouveaux publics ou bien encore sur la traduction. Malheureusement, les crédits pour les aides à la traduction s’avèrent faibles, limitant la possibilité de porter des récits ailleurs (jouer sur la demande), ou d’en rapatrier de nouveaux (jouer sur l’offre). Pour Jean Spiri, il s’agit d’abattre les frontières entre les supports. Ainsi, chez Editis, un jeu vidéo ou une série peuvent donner naissance à un livre, ou inversement ; pour les auteurs et autrices présents chez Editis, faire vivre de la sorte les contenus du groupe sur un maximum de supports leur permet de maximiser les opportunités.

Dans un monde du livre en proie aux mutations technologiques et aux bouleversement des habitudes de consommation, le décloisonnement des supports et des contenus semble être la stratégie commune et gagnante de Médias Participations et Editis. Pour autant, on peut constater que des maisons d’édition comme Nosy Crow sont encore de vraies success stories, bien que leurs modèles économiques ne les placent pas forcément à l’abri d’un changement de paradigmes.