Le huitième colloque du PILEn a été consacré aux pouvoirs locaux et à leurs possibilités d'actions dans le cadre du contrat de filière pour le secteur du livre, initié en 2022 par la Fédération Wallonie-Bruxelles. Après une présentation du contrat de filière et des soutiens possibles au déploiement d'une politique culturelle dédiée au livre, un échange d'expériences diverses a permis aux participant(e)s de découvrir des réalisations concrètes.
Le PILEn tient à remercier tous les intervenant(e)s pour leurs présentations enrichissantes, ainsi que le public venu en nombre malgré les conditions logistiques difficiles ce jour-là. Nous remercions particulièrement Clotilde Cantamessa, attachée au Service général des Lettres et du Livre de la Fédération Wallonie-Bruxelles, pour la rédaction de la présente synthèse de notre colloque.
Synthèse du 8e colloque du PILEn par
Clotilde Cantamessa
Ces rencontres interprofessionnelles sont des moments essentiels pour favoriser les échanges de bonnes pratiques, nos réflexions et partager les retours d’expérience. L’objectif ici est de mettre en lumière les éléments d’attention soulevés, de dégager les points communs et divergences et, enfin, de faire la porte-parole des questionnements qui demeurent en suspens.
Sans plus attendre, refaisons ensemble le fil de ce 8e colloque du PILEn.
Tout d’abord, la présentation du contrat de filière et des soutiens possibles au déploiement d'une politique culturelle pour le livre, par Nadine Vanwelkenhuyzen, directrice générale adjointe du Service général des Lettres et du Livre de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
« Pourquoi associer les pouvoirs locaux au contrat de filière ? », c’est la question principale qu’a abordée Nadine Vanwelkenhuyzen lors de son intervention.
Elle nous a expliqué que fédérer les Communes, Provinces, Régions autour du Contrat de fil permettrait de faire du livre et de la lecture une cause commune déterminante, mais également de répondre aux enjeux sociétaux (démocratisation et accès au livre, maillage, bibliodiversité culturelle), économiques (1ère ICC en Wallonie, 3e ICC à Bruxelles), enjeux majeurs qu’elle nous a présentés. Ces synergies et collaborations sont possibles grâce au cadre qu’apporte le Contrat pour la filière du livre. Dans cette optique les Communes et les Villes sont invitées à adhérer au Contrat de filière pour déployer ensemble une politique culturelle du livre.
Ensuite, Jean-François Füeg, directeur général adjoint du Service général de l’Action territoriale de la Fédération Wallonie-Bruxelles, est intervenu.
Jean-François Füeg a abordé une autre question : « Comment mettre autour de la table des actrices et des acteurs qui n’ont pas l’habitude de se parler ? ». C’est également l’un des principaux enjeux dans la mise en œuvre du Contrat de filière.
Il nous a raconté quatre belles histoires (qui ne sont pas des fictions) au sein de quatre écosystèmes : le PECA sur le territoire ; le partage d’analyses de données ; l’agence de développement territorial en Luxembourg (coopération) et les plateformes de coopération.
Pour y parvenir, un tiers de confiance fédérateur semble incontournable pour réunir autour de la table les différentes parties pour échanger. Ce tiers de confiance permet de désamorcer les méfiances, d’apporter l’empathie et la patience nécessaire, sans ingérence dans le suivi de ces projets au long court. Ce rôle devrait être endossé par les services publics, garants de projet collectif légitime.
À la suite de ces deux présentations, les échanges d'expériences diverses nous ont permis de découvrir des réalisations concrètes.
Martine Warnon-Dechamps et l’exemple de la bibliothèque de Philippeville
Martine Warnon-Dechamps, échevine de la Culture à la Ville de Philippeville, nous a partagé le parcours de la bibliothèque communale devenue une bibliothèque publique reconnue par la FWB selon le décret du 30 avril 2009. Ce retour de terrain pourrait prendre la forme du « guide pratique pour la reconnaissance d’une bibliothèque ». La procédure demande du temps d’analyse du territoire, des priorités et des besoins ; de l’anticipation aux demandes ; de la réflexion pour les priorités réalisables.
Elle a clôturé sa présentation par le passage à l’action avec des projets enthousiasmants : boite à livres, club de lectures, bibliothèque itinérante, rencontres littéraires avec des auteurs/autrices locaux, etc. Les chiffres des prêts en 2023 parlent d’eux-mêmes et leur augmentation montre l’impact positif des mesures mises en place depuis l’introduction du dossier de reconnaissance.
Bénédicte Dochain et Nicolas Castelain à propos du B3 à Liège
Deuxième retour du terrain, celui du nouveau lieu B3 dans la Province de Liège. Bénédicte Dochain, bibliothécaire-directrice en charge du Pôle Livres, et Nicolas Castelain pour l’exploratoire des possibles du B3 et pour la pépinière d’entreprises nous présentent ce nouveau lieu de la Cité Ardente.
L’esprit du 3e lieu est au cœur des réflexions tout au long de la mise en œuvre du projet. Cet espace est décliné en trois pôles que sont le centre de ressources, l’exploratoire des possibles et la pépinière d’entreprises. Ce projet a été financé à 50% par le FEDER. Malgré les craintes, les usagers liégeois sont confiants et viennent déjà nombreux (même si les travaux du tram ne sont pas finis !).
Il est intéressant de souligner les activités mises en place pour valoriser les différents acteurs et actrices de la chaîne du livre, notamment au niveau du secteur de la BD. On voit que pour le Centre de ressources, ce travail de longue haleine a pris comme point de départ l’analyse des besoins et des usages, notamment pour l’implémentation des collections ou la mise en musique du déménagement. L’Exploratoire des possibles, traduit des enjeux d’innovations et d’écritures émergentes. Enfin, la pépinière des entreprises explore un troisième axe, plus économique et nourrit le lieu d’une diversité de profil d’entreprises. Y sont déjà présentent plusieurs petites maisons d’édition qui se créent.
Les quelques exemples de collaborations interprofessionnelles telle la collaboration du centre de ressources avec les libraires qui organisent des rencontres littéraires liégeoises ou encore la collaboration entre l’exploratoire des possibles et le festival de BD pour les écritures émergentes mettent en lumière le potentiel des synergies et la porosité collaborative entre les trois pôles.
Alicia Morette à propos du Service du Livre luxembourgeois
Alicia Morette, responsable du SLL, a ensuite saisi le pupitre et a présenté le Service du livre luxembourgeois, service dynamique, où la Province œuvre pour la lecture et le livre sur son territoire. Ce Service du livre a déployé plusieurs champs d’action auprès de ses autrices et auteurs (né(e)s au Luxembourg belge, qui y habitent ou ont habité, et ayant publié au moins un ouvrage à compte d’éditeur ou autoédité) ainsi qu’auprès de ses maisons d’édition. Leurs activités et dispositifs sont à découvrir sur leur site.
Par les initiatives variées qu’il déploie, tant sur le plan de la communication que dans la réalisation de projets sur le territoire, le Service du livre luxembourgeois nous montre le champ des possibles de la mise en œuvre d’une politique du livre par le pouvoir provincial, en étroite concertation avec la filière du livre. Encore une fois, sa volonté de collaborer avec le réseau des librairies est le signe d’une volonté de travail collectif plutôt que concurrentiel.
Évidemment, la Province du Luxembourg a déjà témoigné son souhait d’adhésion au Contrat-cadre pour la filière du livre.
Virginie Civrais à propos du fonds ST’ART
Directrice générale du fonds ST’ART, Virginie Civrais nous présente ce fonds d’investissement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, de la région wallonne et de la région bruxelloise. Le fonds ST’ART a joué un rôle jusqu’à ce jour dans le financement de la filière du livre notamment par les investissements dans les micros et/ou moyennes entreprises (majoritairement des maisons d’éditions) sur le territoire francophone de Belgique, et des librairies indépendantes à la suite d’appels à projets lors de la crise sanitaire du Covid19. L’innovation dans les modèles d’exploitation du secteur créatif est au cœur des réflexions.
Virginie Civrais a aussi communiqué quelques chiffres datant de fin 2022 sur les opportunités de croissance dans le secteur à mettre en évidence. Au sein du marché du livre (qui stagne), le livre audio est une opportunité de croissance (aux USA +25% alors que le livre papier est à +2%). Elle signale que le marché du livre en FW-B suit les courbes des autres marchés de l’Union européenne.
Au travers de ces différentes interventions, nous avons surtout sillonné la Wallonie sans passer par Bruxelles. Les inclure à la réflexion sur le territoire sera peut-être l’un des prochains défis.
De toutes ces interventions, plusieurs mots-clefs peuvent être pointés et regroupés en différents champs lexicaux :
- Livre, lecture, culture ;
- Unir les efforts, mettre autour de la table, concertation, faire travailler les gens ensemble, croiser les points de vue, ensemble, coopération, rapprocher, rassembler, associer, recouper ;
- Développement, déploiement, maillage, réseaux, territoire, local, approche territoriale, bassins, ressources locales ;
- Outils, cartographie, cadre, contrat, plateforme ;
- Temps, patience, fixer/figer le langage.
- Culture, territoire et coopération sont les mots au cœur des réflexions de ce colloque.
Parmi les questions du public, celle de la place du numérique et celle de la concrétisation de collaborations entre les acteurs institutionnels, les associations privées et les pouvoirs locaux ont été abordées à plusieurs reprises.
Nous l’avons entendu, les démarches pour concrétiser un projet sont souvent vastes, nécessitant un déploiement conséquent d’énergie et de créativité. Travailler collectivement implique une concertation active, des prises de contact. C'est dans la collaboration sur des projets communs que la collectivité assure la pérennité du projet. C’est dans cet esprit que le Contrat de filière a été signé. Il crée ainsi un cadre, un espace de dialogue tissant des liens entre les acteurs associatifs et privés de la filière du livre et les différents niveaux de pouvoir publics impliqués dans le secteur. Bientôt, une cinquantaine de Villes et Communes et plusieurs Provinces vont se joindre au Contrat.
Concrètement, comment ce travail va-t-il prendre forme ? C’est l'une des questions à explorer dans un futur proche.
Encore une fois, le colloque du PILEn a mis en évidence l’importance de rassembler les professionnelles et professionnels du livre. Cette mise en commun contribue à l’accessibilité de la lecture et au rayonnement du livre.
Conclusion par Philippe Goffe, président du PILEn
Le Contrat pour la filière du livre est un projet de qualité, cela va sans dire, dont les objectifs visent à développer la création, l’accompagnement professionnel des auteurs/autrices en FWB, mais aussi le rayonnement de la production éditoriale de la FWB, l’informatisation des librairies labellisées ou encore le renforcement de l’interprofession. Le PILEn, signataire de ce Contrat de filière, est tout à fait convaincu de son utilité cruciale, à l’heure où le secteur du livre, en Belgique francophone et ailleurs, va devoir affronter de nouvelles réalités. Pensons notamment aux problématiques liées à l’intelligence artificielle ou à l’écologie du livre.
Au travers des différentes interventions, un constat s'est imposé, marquant la pertinence d'un contrat de filière : la nécessaire liaison entre pouvoirs publics et acteurs locaux. Avec trois idées directrices :
- L'élargissement du champ d'action vers les acteurs et actrices de terrain, ceux et celles qui ont à voir avec le livre, de près ou de loin, les écoles, les ateliers d'écriture ou de lecture, les associations locales qui forment le tissu socioculturel des villes, des provinces et des communes.
- Et par ailleurs, dans cet ordre d'idées d'élargissement du regard, reconsidérer la chaîne de valeur du livre, à savoir les apports en valeur de tous les partenaires qui contribuent à l'existence des livres, par leur expertise ou par leur métier : écriture, travail éditorial, mise en page, graphisme, numérisation, impression, diffusion, etc.
- Ce qui signifie sortir des silos dans lesquels les gens du livre agissent habituellement, ou dit autrement : sortir de sa zone de confort... ou d'inconfort. La transversalité est au cœur de la notion de contrat de filière.
Bien évidemment, il ne faut cependant pas perdre de vue que le secteur du livre en Belgique francophone manque cruellement de financements. Rappelons que le budget actuel ne dépasse pas les 4,5 millions d’euros et ne représente que 0,4% de l’ensemble des budgets culturels alloués. Le PILEn reste convaincu qu’un Contrat de filière pour le secteur du livre est utile et nécessaire, mais celui-ci ne pourra se déployer sans des moyens financiers adaptés. L’enthousiasme de la matinée du 12 décembre semblait général et doit être préservé. Le PILEn continuera donc à porter cet enthousiasme, ainsi que la voix des professionnelles et professionnels du livre auprès de toutes les instances culturelles et politiques de Belgique francophone.