Diverses régions de France ont mis en place un contrat de filière du livre. En se basant sur ces expériences, voici un sommaire des avantages que les professionnel·les belges pourraient tirer d’un tel contrat.

Les régions du Grand Est, d’Aquitaine, d’Occitanie, de Midi-Pyrénées et d’Auvergne-Rhône-Alpes ont toutes en commun d’avoir signé un contrat pour la filière du livre. Si la dimension régionale des projets permet de répondre aux besoins du territoire, de grandes lignes dynamiques communes se dégagent de ces dispositifs. À titre d’exemple, l’édition et la librairie indépendante font unanimement l’objet de soutiens. Nous avons rassemblé le cœur de ces initiatives pour l’ensemble de la filière, puis métier par métier, afin de vous fournir au travers d’exemples concrets une base de décryptage des futurs contrats qui se préparent en Fédération Wallonie-Bruxelles et en Wallonie. 

 

Développement de la filière : priorité à l’interlocuteur unique

Pas de développement de la filière du livre sans interlocuteur identifié : cette exigence est commune aux différentes régions de France. Certaines ont été jusqu’à créer un organisme dédié, qui soutient l’ensemble de l’interprofession. La région Occitanie y inclut les professionnels du patrimoine et l’ensemble des acteurs de la vie littéraire (festivals, manifestations diverses).

Parfois appelé centre de ressources ou agence par la région concernée, l’unique responsable du développement de la filière travaille essentiellement sur trois axes : répondre aux évolutions des métiers du livre, renforcer l’interprofession et aider à la diffusion et au rayonnement de la vie littéraire.

Renforcer l’interprofession ? L’agence ou le centre fournissent les informations utiles aux professionnel·les, les mettent en relation, proposent des outils mutualisés et organisent des moments de dialogue. 

La réponse à l’évolution des métiers comprend des programmes de formations, une meilleure structuration de la chaîne (en articulant au mieux les aides régionales et nationales, par exemple), des subventions et des accompagnements.

L’aide à la diffusion et au rayonnement de la vie littéraire prend différentes formes selon les territoires, mais reste centrale au dispositif mis en place.

Par conséquent, les professionnel·les de la filière du livre trouvent auprès de cet organisme des subventions distinctes des subventions nationales. Ils bénéficient de dispositifs d’accompagnement qui tiennent compte de leur situation sur le territoire. Ils reçoivent des conseils, une expertise et se voient proposer des temps d’échange avec les autres métiers du livre en région, ainsi que des partenariats éventuels. Les formations, journées d’étude ou journées interprofessionnelles rassemblent tous les métiers, qui peuvent y envisager leur avenir. Les actrices et acteurs du secteur, recensés, bénéficient d’une valorisation de leur production et une attention particulière est portée à la diffusion de la vie littéraire.

 

Les créateurs·trices, renforcement des aides disponibles

Les aides régionales aux auteurs·trices, illustrateurs·trices prennent des formes connues : bourses d’aide à la création, résidences, actions destinées à encourager la traduction. Cependant, elles sont envisagées à l’échelle du territoire : les résidences, par exemple, sont organisées en proximité. Elles ont pour but de permettre la création, mais aussi de mettre diverses structures ou acteurs·trices du territoire en contact avec la vie littéraire. De plus, elles sont distinctes des aides nationales, ce qui permet à la créatrice ou au créateur de trouver plus facilement celle qui lui correspond.
En complément, certaines régions insistent sur la professionnalisation : plans d’accompagnement pour développer son réseau professionnel ou pour chercher un emploi, octroi de conseils juridiques. 

La région Auvergne-Rhône-Alpes, quant à elle, a choisi de favoriser le mouvement et le mix : bourse aux voyages d’étude et de recherche, soutien aux projets de collaboration internationaux, aux projets interdisciplinaires, collectifs et hybrides. La proximité n’est pas délaissée pour autant : A-R-A propose un compagnonnage entre auteurs·trices et structures régionales.

Grâce à ces dispositifs, les aides aux créateurs·trices, qu’elles soient financières ou professionnelles, se multiplient, tout en les ancrant dans un territoire qui bénéficie de leur présence.

 

Les éditeurs·trices : plans d’accompagnement, soutien à l’édition

C’est à l’édition indépendante que s’adressent les contrats de filière du livre en France. Les maisons d’édition y bénéficient de soutiens financiers et de plans d’accompagnement. 

D’un point de vue financier, l’aide aux maisons indépendantes ou aux publications d’éditeurs est directe. 

Les plans d’accompagnement (qui peuvent s’étendre jusqu’à 24 mois) répondent à des enjeux structurels : développement de l’activité, concurrence avec de plus grands groupes…

En région Auvergne-Rhône-Alpes, le soutien aux maisons d’édition est conditionné par le fait de travailler sur deux des trois axes suivants : développement commercial et communication, structuration et développement de la maison d’édition et politique éditoriale (orientée vers le développement de l’entreprise).

L’idée directrice est de permettre aux maisons d’édition de résister aux bouleversements du paysage éditorial et de développer leur activité sur le territoire et en dehors.

Les libraires : développement, emploi, outils

Tout comme les maisons d’édition, les libraires en région bénéficient d’aides directes (notamment pour la création ou la reprise d’une librairie) et de plans d’accompagnement. Ceux-ci sont centrés sur le développement structurel de l’activité et la concurrence avec les grands groupes. Ils sont pensés à moyen terme et concernent essentiellement cinq axes : investissements, assortiment (diversification de l’offre), développement commercial et promotion, action culturelle et emploi.

C’est en Occitanie que le soutien à la librairie indépendante est le plus détaillé. Il comprend :

  • l’aide aux travaux, l’amélioration de l’attractivité, l’acquisition et transmission de bail,
  • l’aide à l’informatisation et aux nouveaux services numériques,
  • l’aide à la constitution et à l’élargissement des fonds,
  • l’aide au développement de la stratégie commerciale,
  • l’aide à l’innovation (investissement et fonctionnement),
  • l’aide à la formation et au tutorat,
  • l’aide au programme d’animations en librairie,
  • l’aide à la mobilité,
  • le conseil et l’expertise.
     

Le développement de l’activité de la librairie, que ce soit son agrandissement physique, l’accroissement de son fonds ou l’acquisition et la formation à de nouveaux outils, participe dans cette vision au développement culturel des territoires, comme en témoignent les aides aux programmes d’animations et à la mobilité. Ce développement, comme celui des maisons d’édition, est considéré comme source d’emplois.

 

Les bibliothécaires : une visée patrimoniale

La lecture publique ne relevant pas des mêmes niveaux de pouvoir en France, les aides aux bibliothèques y ont une visée patrimoniale : soutien à la restauration et à l’acquisition d’ouvrages.

 

Actions transversales : cartographies et développement durable

Mieux structurer une filière et renforcer l’interprofession au niveau régional impliquent de connaître la nature de ses principaux acteurs et de les situer géographiquement. Ces données, communiquées avec attrait, participent à promouvoir la vie littéraire. Parmi les actions retenues, notons une carte interactive des librairies indépendantes ou une cartographie des manifestations littéraires. Dans le cadre de son programme « Culture et développement durable », la région Grand Est a établi une cartographie des imprimeries locales, afin de limiter les transports. Elle a aussi :

  • commandé une étude sur l’impact environnemental de la filière au niveau régional,

  • proposé des formations sur le sujet aux éditeurs et aux libraires,

  • développé des actions destinées à promouvoir la seconde vie du livre,

  • développé une application numérique lecture et transport,

  • implanté des boîtes à livres dans les gares et les lieux de proximité.

 

Le projet de contrat de filière : un bon plan ?

Si les professionnels belges peuvent bénéficier d’une meilleure structuration de la filière, d’aides économiques ciblées et de formations qui leur permettent de s’adapter à l’avenir qui vient (Édition durable ou économie circulaire ? / Comment tirer parti de l’accélération du numérique éducatif ? / Quel rôle pour l’intelligence artificielle dans les différentes étapes de la chaîne du livre ?*), le contrat de filière s’avère déjà un indispensable. Mais ce n’est pas tout.

Un bon contrat de filière stimule l’activité économique du secteur, professionnalise ses acteurs·trices et crée ou favorise l’emploi. C’est l’une des conclusions que l’on pourrait tirer de la comparaison entre les différents contrats français. Elle porte en soi une vision positive de la culture, qui n’est pas considérée comme une pompe à subsides, mais comme une activité économique singulière, qu’il faut protéger en tenant compte de ses spécificités. Comme toutes les entreprises, par ailleurs, les régions acceptent l’idée d’un investissement initial avant d’obtenir un retour. Le contrat met en place les outils qui permettent d’accompagner la structure soutenue en lui fournissant les informations, les ressources et les contacts nécessaires à l’élargissement de son activité. Pour obtenir le meilleur résultat, la création d’un guichet unique qui fournit l’ensemble de ces services et permet aux professionnels·les de mieux comprendre leurs enjeux respectifs et de dessiner ensemble leur avenir est synonyme de succès. Ne nous mordons pas les lèvres en maudissant l’économique, qui n’aurait rien à faire avec la culture. Pour l’ensemble des régions concernées, la signature d’un contrat tripartite, la création d’une structure dédiée, la mise en place de nouveaux dispositifs, reflète le désir de mettre le livre entre les mains du plus grand nombre. Il reste, en ces termes, l’objet culturel par excellence, celui qui ouvre l’esprit et démultiplie les univers.

 

* Sujet des prochaines Assises du livre numérique à Paris le 6 décembre.

 


Article rédigé par Anita Van Belle