En octobre dernier, le Gouvernement de Wallonie a débloqué 3 millions d’euros pour soutenir face à la crise les industries culturelles et créatives (ICC), dont le secteur du livre fait partie intégrante. St’Art, outil de financement innovant né en 2009, a été choisi pour piloter cet appel à projets d'envergure qui comprenait un volet « structuration de filière ».
Dans le cadre de son chantier « Contrat de filière », le PILEn a souhaité s’entretenir avec Virginie Civrais, directrice générale du fonds, afin de mieux comprendre le fonctionnement de St’Art et son regard sur le milieu du livre en Fédération Wallonie-Bruxelles.
À la fin de l’année passée, St’Art a dégagé des financements dans le cadre de trois appels à projets réunis sous le nom « Rayonnement Wallonie ». Comment cela s’est mis en place ?
Je pense qu’il est inutile de rappeler le contexte de crise dans lequel nous évoluons depuis ces derniers mois. Le Gouvernement wallon, sous l’impulsion du Ministre-Président et du Ministre de l’économie, s’est demandé comment soutenir au mieux le secteur des ICC, très impacté par la crise. Il a été décidé de dégager un budget de 3 millions d’euros alloués sous forme de bourses pour développer des projets sur 2021.
Le Gouvernement s’est adressé à St’Art pour mener cela à bien car, au niveau sectoriel mais aussi territorial, cela semblait l’outil le plus adéquat. En effet, même si St’Art travaille plutôt dans l’investissement et non dans les bourses, cela rentrait dans ses missions car nous restons quoi qu’il en soit, dans du financement et dans le secteur des ICC.
Ce « Rayonnement Wallonie » cherchait à mettre en avant les talents, les compétences, le savoir-faire qui existent sur le territoire et à déterminer quel dispositif mettre en place pour valoriser tout cela. De là, sont nés trois sous-appels :
- Le sous-appel A, intitulé « talents émergents » mais qu’on pourrait rebaptiser « bourse de création », était très ouvert. Allant de 5 000 à 40 000 euros, il s’adressait aux personnes physiques, mais aussi aux fondations, aux sociétés, aux asbl. Dans ce cas, la bourse pouvait constituer 100% du financement, à dépenser sur 2021. Il est intéressant de noter que nous avons reçu beaucoup de propositions liés à l’artisanat et au patrimoine, des activités souvent « hors-radar ».
- Le sous-appel B, orienté « événements », donc « actions », était destiné à toute sorte de sociétés commerciales ou non-commerciales, mais bien sûr pas aux personnes physiques. Il était doté de 250 000 euros. La bourse pouvait prendre en charge 60% du budget total de l’événement. Là aussi, tous les secteurs des ICC étaient concernés et l’échéance était fixée à fin 2021.
- Le sous-appel C portait sur la structuration de la filière et, effectivement, a été pensé en interaction avec les initiatives de la Fédération Wallonie-Bruxelles en la matière. Cet appel posait la question, ouverte à tous les secteurs, de la façon dont on pouvait identifier les forces vives, les développements futurs, les opportunités de collaboration avec d’autres secteurs, d’une filière donnée. Sur cette phase relativement courte d’un an, ce qui nous intéressait, c’était que des professionnels, en lien avec des chercheurs universitaires, posent un état des lieux où apparaissent les différents acteurs, les leviers d’action, les interactions possibles avec les différents niveaux de pouvoir… En résumé, l’idée était d’identifier le rôle de chacun dans l’idée d’aboutir finalement à un Contrat de filière.
Toutes les informations relatives à ces appels se trouvent sur le site de St’Art, à l’adresse suivante : http://www.start-invest.be/APPEL-a-PROJETS-Rayonnement-Wallonie?lang=fr
L’appel C intitulé « Bourse - structuration de filière » nous intéresse évidemment particulièrement en tant que plateforme interprofessionnelle. Quels secteurs étaient concernés par cet appel ? Pouvez-vous rapidement en présenter les projets lauréats ?
Au total, nous avons reçu 673 candidatures. Pour l’appel C, on s’attendait à avoir 4 ou 5 propositions. Or, il y en a eu 21. On n’a pas pu retenir tout le monde, mais on a en tout cas retenu plus de dossiers que prévu. Six projets émanant de secteurs différents font en effet partie des lauréats.
Dans ceux-ci, nous retrouvons la filière du textile, avec un projet portant sur l’économie circulaire et les alternatives à la production industrielle, mais aussi l’événementiel avec l’initiative « EventChange » qui se propose de réorganiser la filière pour diminuer l’empreinte écologique d’événements culturels publics (festivals, musées, etc.). Du côté numérique, nous avons soutenu Global Content Alliance qui travaille sur la production et la circulation de nouveaux contenus en lien avec la digitalisation. Les arts vivants et le secteur de la musique ont également profité de la bourse, avec des projets similaires à celui porté par le Consortium piloté par le PILEn. L’idée est de produire un état des lieux, permettant de fournir des prescrits et des méthodologies reproductibles qui pourront, à terme, être des vraies plus-values pour ces secteurs.
L’appel semblait inviter à inclure d’autres secteurs dans le projet de structuration de la filière, ou en tout cas à sortir d’une approche trop cloisonnée. Était-ce une volonté de la part de St’Art ?
Oui, tout à fait, cette idée de décloisonnement vient d’ailleurs de rapport du groupe de réflexion « Un futur pour la culture ». Dans les ICC, ça fait longtemps qu’on parle du « spillover effect », de l’influence d’un point de vue économique de ces différents secteurs les uns avec les autres. La collaboration entre deux domaines différents pose des questions difficiles, en termes de mise en place et de maintien de compétences propres. Il ne faut pas forcer cette rencontre qui se fait souvent naturellement.
Cependant, c’était un souhait de laisser cette opportunité ouverte dans les candidatures. Finalement, on voit que chacun a d’abord souhaité travailler son sillon. Cette idée de décloisonnement viendra sûrement plus tard, c’est quelque chose qui demande de la maturation. Cet appel permet donc de mettre en place une première étape vers le développement de ces filières, qui devra se poursuivre sur le long terme.
L’idée principale reste, sur une période d’un an, de mener des études de cas pour identifier les forces, les faiblesses, les opportunités, les trous dans la raquette, de différentes filières culturelles et créatives en Wallonie afin qu’à l’issue de ces études ces acteurs sachent où se trouve exactement la valeur ajoutée de leur secteur.
Pour terminer sur le secteur du livre plus spécifiquement, avec quels acteurs de la chaîne étiez-vous déjà en contact ? Cet appel a-t-il été l’occasion d’élargir votre vision du monde du livre ?
Vu l’objet de financement de St’Art, nous sommes surtout en contact avec les éditeurs. En effet, les financements que l’on propose interviennent à cette étape, pas au moment de la création ou de la vente. L’éditeur est celui qui nous intéresse car il s’engage à la reproductibilité, à la commercialisation, à l’internationalisation des œuvres.
En toute transparence, pour donner quelques exemples, nous avons ainsi financé des maisons comme Mercator, Kennes éditions, La Renaissance du Livre, Primento/LeMaître Publishing, Sandawé…
Dès que la crise du COVID s’est déclarée, on a su que les trésoreries seraient très affectées et on a voulu soutenir le milieu en créant avec le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, le « Prêt Trésorerie d’Urgence ». Ce financement est ouvert à tous les segments des secteurs culturels et créatifs et non plus uniquement à ceux auxquels on se cantonnait. À cette occasion, St’Art a donc financé quelques librairies indépendantes[1]. Cette expérience a été très positive. Les enjeux étaient énormes, mais c’était un plaisir d’aider des structures de qualité et engagées pour la culture.
Le PTU est toujours actif actuellement et, à titre personnel, je trouverais cela intéressant de poursuivre cette aide envers les libraires, voire d’ouvrir nos partenariats au reste du secteur du livre.
[1] Les retrouver en consultant le rapport d’activité de St’Art http://www.start-invest.be/IMG/pdf/rapport_activite_2019-2020.pdf