Renaud De Heyn, scénariste et dessinateur de bande-dessinée (e.a. Trilogie La Tentation à la Cinquième Couche dont il est co-fondateur, Vent Debout et Soraïa, chez Casterman, trois reportages dessinés pour XXI et Semences sous influences, à paraître au printemps, chez La Boîte à Bulles.) et Sébastien Fevry, poète (Solitude Europe et Brefs déluges, deux recueils publiés chez Cheyne) nous ont proposé des œuvres où l’absurde côtoie l’errance, où les références frontales ou plus cryptées abondent. Tous deux ont, dans leur travail, une attention au lieu et à l’observation.
Comment vous avez réagi à la consigne de la commande pour la campagne, quand vous avez reçu ce mail qui vous indiquait que vous étiez sélectionnés ?
Sébastien Fevry : Quand Nicolas Baudoin m’a expliqué les pistes possibles, mon premier souci a été de rendre cela concret. Cette question de la lecture, en particulier Lisez-vous le belge ?, il fallait quand même l’arrimer à un espace réel, pour éviter d'avoir un poème qui soit une sorte d’essai ou quelque chose de très théorique sur « Qu'est-ce que la lecture ? », etc. Le défi du poème que j'ai proposé consistait d'une part, à incarner le sujet et d'autre part à m'amuser. La forme de l'errance le permettait puisque c'était l'idée de faire une sorte de mix de références diverses aussi bien aux classiques, qu’à des auteurs plus contemporains pour proposer une sorte de parcours « littéraire » dans la réalité géographique de la Belgique.
Renaud De Heyn : Oui, c'était ça l’idée : trouver une référence à la belgitude tout en passant par la lecture. Je suis parti sur du symbole bruxellois de Saint-Michel terrassant le dragon. Il y a cet ange (dont les ailes sont remplacées par un livre) qui ne terrasse pas le cerveau, mais le nourrit. La lance est devenue cette pompe à vélo qui vient gonfler la matière cérébrale. La miniature façon primitif flamand côtoie la référence à l’absurde, ça me semblait assez juste.
Dans le poème de Sébastien, il y a ces références aux auteurs classiques mais aussi à La comtesse des digues de Marie Gevers. Mais aussi La Laponie dont on imagine bien que ça doit être une référence au peintre Christian Dotremont. Est-ce que le paysage ou le territoire sont notions qui, vous, qui alimentent votre œuvre ?
Sébastien Fevry : Oui je crois ! J'avais deviné pourquoi tu avais constitué une paire entre Renaud et moi en voyant son carnet de voyage. En fait, j’ai senti cette affinité non seulement parce qu'il y a ce rapport au paysage, mais je trouvais aussi qu’il y avait ce rapport très documenté au réel, qui n’est pas toujours quelque chose qu’on utilise dans la ‘poésie pour la poésie’. J’aime bien aussi que la poésie ait cet aspect - je ne vais pas dire documentaire mais qu’elle porte, même modestement et même s’il y a diffraction, une sorte de témoignage. Et donc, en regardant les carnets de voyage, je sentais qu'il y avait cette attention là et dans mon cas, c'est vrai qu'il y a cette importance du paysage, des choses vues, entendues mais avec le souci d'éviter ce qui serait trop pittoresque. D'éviter, si on veut, la « belle » image ou la « trop belle » image. Pour moi l’important c'est le paysage, mais peut-être regardé de biais ou qui déborde des images trop attendues. Dans Solitude Europe, l'idée était vraiment de ne pas aller vers un voyage qui aurait été purement touristique, par exemple.
Renaud De Heyn : Sortir de la carte postale !
Sébastien Fevry : Oui ! Ou la retourner pour voir ce qu’il y a derrière !
Renaud De Heyn : Rentrer dans la carte postale et montrer un peu ce qu’il y a derrière le paysage touristique, au-delà de ce qu'on voit depuis la fenêtre du véhicule. Pénétrer le lieu pour le raconter. Le documentaire, ou le témoignage, qui va, au-delà du carnet de voyage « carte postale » au-delà de la collection de belles images et de choses pittoresques mais anecdotiques.
C'est peut être prendre le temps d'un pas de côté ? On sait que le carnet de voyage peut avoir ce travers du regard exotisant sur l’altérité en général. Il faut peut-être se souvenir depuis quelle position on parle ?
Renaud De Heyn : Oui, tout à fait, et garder une certaine humilité.
À propos de l'endroit d’où on parle, est-ce que ça représente quelque chose pour vous de créer depuis la Belgique, soit en tant qu'auteur belge ou accompagné par des structures belges ? Est-ce que ça a une incidence sur votre travail ?
Renaud De Heyn : C'est une question compliquée, parce que pour beaucoup de gens, la Belgique est le pays de la bande dessinée. Mais aujourd'hui, la plupart des auteurs de bande dessinée sont français, les gros éditeurs sont français, le marché est français. J'ai grandi en lisant de la bande dessinée belge, elle a nourri mon envie de devenir auteur, ce passif est inscrit en moi. Mais à l'issue de mes études, il était nécessaire de se démarquer de Tintin et Spirou. Nous devions nous opposer à la bédé franco-belge afin de faire exister le mouvement d'une bande dessinée contemporaine belge. Mais c'est paradoxal, puisque cette réputation de pays de la bande dessinée m'a également permis d'aller enseigner la bande dessinée pendant deux ans au Maroc, dans le cadre d'une mission de coopération.
Dans ton cas, Sébastien, est-ce que tu as un rapport à la Belgique qui soit aussi dans une forme de tension ? As-tu l'impression que pour la poésie, il y avait un passif aussi lourd que pour la BD à apprivoiser ou rejeter ?
Sébastien Fevry : Je suis dans la même difficulté que Renaud pour répondre à cette question, parce que c'est un peu un millefeuille ! À la fois, il y a simplement le fait d’être né, d'avoir grandi en Belgique mais il faut ajouter quelque chose de plus précis : dans mon cas ce sont les Ardennes donc ce n’est pas la même chose non plus que quelqu'un qui serait né à Gembloux ou à Bruxelles. Et puis il y a le fait que oui, évidemment, la poésie belge d'expression francophone a quand même un passé important, notamment le surréalisme. Mais en même temps, dans mon cas, il y a aussi une attirance pour des formes poétiques venues plutôt d’Outre-Atlantique. Donc, j'aime bien cette idée d'un espace qui est un peu périphérique. Mon identité belge est très compliquée à définir. C'est difficile de dire tiens, qu'est-ce que ça implique de parler depuis la Belgique ? Parfois ce sont des choses amusantes. Récemment, je faisais une lecture en France, et là, c'est la question de l'accent. Cela intervient sur des choses très ténues, par exemple, pour la prononciation du « Oui », nous, on va plus vite. Dans ces moments-là, on se dit « oui, effectivement, je parle français mais avec un accent ! » Je trouve intéressant que l’extérieur ou l’altérité renvoie finalement à une sorte de langue singulière qu'on possède et dont on prend conscience.
Il y a vraiment un vers dans ton poème qui fait référence directement à la langue, « Cette langue morte me semblait plus vivante que la mienne ». Est-ce que ça exprime une tension dans le fait d'adopter le français comme langue de création ?
Sébastien Fevry : Dans le poème, le narrateur n'est pas moi. Je voulais créer un jeu sur son isolement, le rendre seulement ami des poètes antiques. Je n’ai pas moi-même ce rapport aux langues mortes. Par contre, la poésie américaine – pas du tout morte cette fois – est pour moi très importante, notamment la poésie narrative, qui raconte en très peu de mots. Mais encore une fois, il faut acclimater cette poésie à ma propre réalité : je ne suis pas américain, je n’ai pas été traversé par les mêmes espaces. Il y a aussi un travail d'adaptation, d'incorporation et de dépassement de ces influences-là.
Une chose vous distingue : Renaud est publié par des maisons d’éditions belges (Casterman, La Cinquième Couche) quand Sébastien est publié pour ses deux recueils par Cheyne, une maison de poésie basée en Ardèche. Est-ce que ça créé une relation ou un accueil particulier d’être un auteur belge publié par une maison française ?
Sébastien Fevry : C’est une donnée qui n’a rien changé, je pense. Le manuscrit a été envoyé et Cheyne est une maison d’édition à taille humaine, donc cela veut dire que la relation est d'entrée de jeu très bienveillante, familiale, sans tomber dans les stéréotypes qui entourent ces notions-là. C'est vraiment très agréable de travailler avec eux. Cheyne publie également d’autres auteurs belges comme Jacques Vandenschrick ou Célestin de Meêus. Lorsque la maison d’édition avait été accueillie chez Tropismes avant la pandémie pour une rencontre, c’était aussi l’occasion d’échanger avec eux. On rencontre bien sûr les autres auteurs de la maison à d’autres occasions, mais là, c’était « la petite famille belge de Cheyne » rassemblée qui discutait.
De ton côté, Renaud, qu’as-tu envie de dire de ton parcours éditorial ?
Renaud De Heyn : Mes premiers livres ont été édités par La Cinquième Couche, qui est une maison d’édition qui a été créée avec des copains (ndlr : Damien Rocour, Sarah Masson, Michel Squarci, Sibylle Loof, Olivier Fable, Vincent Dutreuil, Nicholas Wood, Sébastien Kempenaers, Christophe Poot, Renaud De Heyn et Xavier Löwenthal), à la fin de nos études, en 1993. J’y ai publié la trilogie La Tentation et j'y ai expérimenté toute la chaîne du livre, depuis le scénario jusqu'à la vente en librairie en passant par la mise en page et l'impression. Patrick de Saint Exupéry, le fondateur et rédacteur en chef de la revue XXI, dans laquelle j’ai publié trois reportages dessinés, a également été une rencontre importante dans mon parcours éditorial. C'était la première fois que quelqu'un corrigeait mon travail avec autant de finesse, d'exigence et d'acuité. Il était d'une grande aide et me poussait vers le haut. Parfois, alors que je venais de lui envoyer un storyboard, que je me relisais et constatais des problèmes de rythme ou des soucis dans la narration, ses retours reprenaient les mêmes éléments que ce qui m'avait fait tiquer. Nous étions sur la même longueur d'onde. Je connais peu d'éditeurs qui prennent le temps d'une lecture aussi minutieuse que celle que m'offrait Patrick de Saint Exupéry.
Sébastien Fevry : J’aime bien ce que dit Renaud sur le fait d’être porté vers le haut. C’est ça qui est important ! Chez Cheyne, il y a une relecture vraiment attentive des textes et donc c’est très formateur – ça veut aussi dire qu’un texte n’est jamais terminé, même si à un moment donné, il faut pouvoir le laisser là. Mais ce travail d’éditeur et des directeurs de collection comme Benoît Reiss ou Jean-François Manier est un vrai accompagnement. Ça soulage de se dire qu’on ne livre pas son texte et puis que hop ! il disparaît. Il y a un vrai dialogue autour, qui peut être sur un seul mot ou sur un seul vers. C’est important, ce travail nous oblige à réfléchir au sens qu’on voulait faire passer. Et si c’est bien ce sens, on l’affirme. Il y a quelque chose de gratifiant dans le fait de savoir que quelqu’un va accorder du temps et de l’attention à une œuvre qu’on a produite.
Comment fait-on rhizome dans le monde de la bande-dessinée ou de la poésie, en Belgique ?
Renaud De Heyn : Dans le monde de la bande-dessinée, faire rhizome, créer son réseau, assurer la promotion de son livre, c'est exposer ses originaux, par exemple. C'est aussi participer aux festivals. Lorsque je travaillais avec la Cinquième Couche, j'allais chaque année au festival d'Angoulême. Nous y rencontrions d'autres auteurs, d'autres éditeurs. Parfois, des auteurs belges qu'on ne rencontre que là-bas (rires!) - ça a été super important. Et puis il y a aussi toute la mouvance de la bande dessinée belge indépendante, Fremok, La Cinquième Couche, L'employé du moi et quelques autres maisons plus petites. Ces trois maisons ont été créées à quelques années d'écart. Elles ont été le fer de lance d'une bande dessinée indépendante belge, d'une bande dessinée qu'on pourrait qualifier d'art et d'essai. Participer à ce mouvement a créé un réseau, une identité. Mais, en même temps, j'ai le sentiment d'avoir toujours été assis entre deux chaises. Avec le documentaire, ou le témoignage en bande dessinée, j'ai une approche, disons... plus classique que celle la bande dessinée expérimentale. Et puis j'ai travaillé avec Casterman, qui est aussi un éditeur plus mainstream.
De ton côté, Sébastien, te reconnais-tu dans une famille poétique particulière ? Ou as-tu des affinités avec des évènements liés à ce genre littéraire ? Il se passe vraiment quelque chose d’effervescent, de nouvelles énergies sont mises sur la table, j’ai l’impression, non ? Je pense notamment à la tenue du premier Poetik Bazaar…
Sébastien Fevry : Mon premier recueil Solitude Europe a été publié en 2018, et nous sommes en 2021, donc pour moi c'est très difficile de répondre à cette question du réseau simplement parce que je suis relativement jeune dans le circuit. Donc ce qui naît, ce sont plutôt des affinités, avec parfois un coup de pouce du hasard. Avec Jacques Vandeschrik dont je parlais tout à l’heure, c’est de cet ordre-là. Pour ce qui est déjà de me reconnaître dans une famille au sens plus large, pour l’instant, pas vraiment. Des conversations naissent plutôt au gré des rencontres, des festivals ou des lectures.
Au-delà des livres, y a-t-il des domaines ou des disciplines qui viennent vous nourrir ou vous enthousiasment ?
Renaud De Heyn : Comme je travaille essentiellement dans le documentaire en bande dessinée depuis quand même quelques années, le réel, ce qui nous entoure reste ma principale source d’inspiration. Mes influences peuvent être évidemment très larges. Récemment, j’ai fouillé du côté du graphisme, de l’objet-livre, mais c’est aussi lié à la matière que j’enseigne à l’Académie de Molenbeek. Je dois nourrir mes cours, les exercices que je propose à mes élèves et ça alimente ma curiosité. Je m'intéresse beaucoup à la peinture chinoise antique pour l'instant. On y trouve tout un travail autour du trait, du plein et du vide. On y retrouve aussi de façon essentielle le rapport au paysage, dont on parlait tout à l'heure. J'observe aussi les déclinaisons et les influences sur la peinture japonaise et les estampes. Sinon, les grandes inquiétudes contemporaine que sont le climat et l'environnement sont des choses dont j'ai très envie de parler. Semences sous influences, mon prochain livre qui doit paraître ce printemps, est lié à ces questions. La question migratoire, dont parle aussi Sébastien, me semble également une question essentielle, et elle est, je pense, aussi liée à la question environnementale. L'envie de partager ce que j'ai pu comprendre et apprendre par rapport aux questions d'actualité est un moteur important dans mon travail.
Sébastien Fevry : Comme le dit Renaud, je pense que c'est difficile de rester imperméable au monde contemporain et à ses enjeux. À un moment donné, il n’y a rien à faire, ça impacte la façon dont on travaille. J’ai aussi un rapport particulier au cinéma (au sens large, ça vaut aussi pour les séries) et à l’image photographique. Ce dont je me suis aperçu plus récemment, c’est combien les chansons folk ou rock pouvaient être importantes. Parfois j’aimerais bien arriver à avoir un enthousiasme aussi grand quand je lis un poème que quand j’écoute une chanson. Je trouve ça remarquable, en fait – parvenir à captiver l’auditeur en 3, 4 minutes. Quand je déniche une bonne chanson, je peux l’écouter très longtemps, puis y revenir et ça, pour moi c'est extraordinaire. La composition d’un album rock m’influence aussi quand je fais un recueil – j’aime bien mettre à la fin un plus long poème, tout comme il y a souvent un morceau plus long à l’issue d’un disque. Il y a un bootleg de Bob Dylan qui est sorti sur les années 80. Pas la meilleure période de Dylan, sans doute, mais ce qui est intéressant c’est qu’à cette époque, il commençait par travailler sur des chansons sur lesquelles il prenait beaucoup de temps, mais qui au final n’étaient pas intégrées à l’album. Il y a pour moi quelque chose d’intéressant dans ce processus créatif : se donner de façon profonde dans une partie du travail pour finir par juste en faire un autre point de départ. C’est très éloigné de ce que je fais mais j’aime bien ce concept de fragments qu’on garde pour plus tard et qu’on reconsidérera peut-être différemment.
Renaud nous expliquait ses liens avec ses étudiants – la transmission joue-t-elle aussi un rôle dans ton parcours ?
Sébastien Fevry : Je donne aussi cours mais c’est une sphère séparée de mon travail d’auteur, je n’y parle pas de mon travail. Pour moi, la transmission est déjà belle quand je me rends compte que le texte circule. Ce qui m’a notamment fait plaisir, c’est que quelqu’un qui réalisait un documentaire sur l’Europe était tombé par hasard sur mon recueil et voulait savoir s’il pouvait citer quelques vers. Ça me rend heureux parce que ça veut dire que le recueil vit sa vie et que d’autres vont s’en emparer. Ce n’est pas moi en tant que transmetteur qui m’intéresse. Il m’importe davantage que le texte suive son chemin, trouve des lecteurs et d’autres manières d’exister.
Est-ce que la reconnaissance symbolique (de type prix) vous importe ? Considérez-vous ça comme une validation de votre travail ?
Sébastien Fevry : Pour Solitude Europe, j’ai été finaliste du prix Marcel Thiry et j’ai reçu plusieurs prix comme le prix Apollinaire Découverte. C’est évidemment un gage de reconnaissance formidable, surtout pour un premier recueil. C’était certes une reconnaissance symbolique mais aussi un incitant à ce que je continue. Dans le domaine de la poésie, ces prix-là ne sont pas tout mais c’est très encourageant.
Renaud De Heyn : C'est toujours gratifiant, je pense, une reconnaissance explicite de notre travail. Que ce soit un lecteur à un festival qui vient nous parler de l'impact que notre livre a eu sur lui ou sa vie. Si un jury estime qu’on mérite un prix, c’est qu’on a provoqué des émotions. Et puis il y a aussi le côté officiel qui permet clairement de nouer des contacts, de développer le réseau et d’augmenter sa portée – donc c’est forcément intéressant.
Quels livres belges auriez-vous envie de faire ricocher ?
Renaud De Heyn : C'est Franquin qui m’a donné le goût de la bande-dessinée. Mais parmi les auteurs plus récents, je pense à Brecht Evens. Son travail sur la couleur et le motif est magnifique, ses livres sont tout à fait remarquables. Je pense aussi à Dominique Goblet et à son rapport à la narration. Pour moi, elle est vraiment importante. Les Hommes-loups (FRMK) m'a particulièrement marqué. On pourrait penser à un catalogue de peinture, mais le sens qui se dégage de la succession des images en fait une véritable narration, fragile et puissante à la fois. Pour moi, il y a quelque chose qui s’est passé dans ce bouquin au niveau de la puissance d’évocation, dans cette rencontre entre la BD et le pictural. La bande-dessinée a plutôt tendance à faire des dessins de l’ordre du signe et là, c’est une autre force de l'image qui est à l'œuvre. C’est une ouverture très importante dans le language de la bande-dessinée.
Sébastien Fevry : Je ne vais pas être original, mais cet été, j’ai relu Simenon. Quelques Maigret. C’était un vrai plaisir de lecture, parce qu’il a un sens de la concision. Je regardais son rythme de travail : dans les années 30, il en sortait un par mois ! C’est une écriture dans laquelle il n’y a pas une once de gras. Il écrit sur Givet dans le nord de la France et c’est absolument magnifique. Je l’avais lu il y a longtemps et j’ai été bien inspiré de m’y remettre. Sinon, en poésie belge, il y a notamment un recueil de François Jacqmin, Les Saisons (Espace Nord). De nouveau, j’admire sa concision. Avec un tel titre, on pourrait s’attendre à une inspiration très pastorale mais pas du tout, c’est vraiment surprenant et très tenu du début à la fin.