En prévision de son colloque dédié au projet de Contrat pour la filière du livre, le PILEn a adressé en décembre 2020 un questionnaire aux professionnel·les du secteur afin de recueillir leurs attentes à ce sujet. Aide à la promotion, soutien à la professionnalisation : le décryptage des réponses révèle des priorités communes.
Mesurer l’intérêt et définir les attentes
Dans le cadre du lancement de son chantier d’information et de concertation autour du projet de Contrat pour la filière du livre, le PILEn a conçu un questionnaire anonyme destiné aux professionnel·les du secteur.
L’objectif était de mesurer leur intérêt à l’égard de ce projet et de recueillir leurs attentes s’il venait à se mettre en place.
La majorité des questions était identique pour les acteurs et actrices du livre en Région de Bruxelles-Capitale ou en Wallonie. Seules différaient celles qui prenaient en compte la différence entre les niveaux de pouvoir existants dans les deux régions.
Preuve de l’intérêt des professionnel·les pour cette question : ce sondage a été largement diffusé et une centaine de réponses nous sont parvenues. Nous remercions les personnes concernées d’avoir consacré de leur temps à ce sondage.
Origine des réponses
La part de représentant.es du monde de l’édition et de la bibliothèque est équivalente dans les réponses reçues. Elle est également majoritaire : 28,1% pour chacune des deux catégories. En parts réellement représentatives, viennent ensuite les auteurs et autrices : 21,3% et les libraires : 14,6%.
Ces chiffres nous indiquent qu’au travers de ce sondage, les bibliothécaires se sentent partie prenante des métiers du livre, à parts égales avec les éditeurs. Ce résultat n’est pas anodin : il implique que les acteurs commerciaux et non commerciaux de la profession se mobilisent pour elle à parts égales.
L’importance de la présence des auteurs et autrices indique qu’ils et elles marquent un intérêt fort pour cette initiative qui pourrait, et c’est peut-être l’attente, aider l’ensemble de la filière à surmonter la crise provoquée par l’épidémie de COVID.
Les libraires, quant à eux, se montrent plus réservés. La possibilité d’aides et de soutiens mieux répartis et plus ciblés, par exemple, l’un des possibles créés par le contrat de filière, comme d’autres avantages, reste peut-être trop abstrait. C’est l’une des demandes qui traverse le sondage : que chaque profession reçoive des exemples concrets de retombées d’un tel contrat.
Pour ce qui est de l’origine territoriale, les professionnels wallons se sont montrés plus sensibilisés au projet de contrat : ils sont 65,2% à avoir répondu au questionnaire contre 34,8% pour leurs collègues bruxellois.
Le fait que la Région wallonne ait marqué, par l’intermédiaire du fond Start, sa volonté de structurer la filière a certainement joué un rôle dans cet intérêt plus marqué.
Quels axes de travail fondamentaux ?
Parmi les huit axes de travail proposés par le questionnaire, trois d’entre eux se détachent avec netteté dans les réponses des deux régions. Sont considérés comme des enjeux fondamentaux :
- la promotion et la visibilité en Belgique et à l’international,
- le soutien à la professionnalisation et à la structuration des activités,
- le renforcement du secteur de la lecture publique.
Cependant, l’ordre d’importance des trois axes n’est pas le même selon les régions : si la promotion et la visibilité sont en tête dans les deux cas (67,2% pour la Wallonie, 71% pour Bruxelles), le soutien à la professionnalisation semble plus crucial à Bruxelles : 54,8% qu’en Wallonie : 50%, alors que le renforcement de la lecture publique arrive en deuxième position en Wallonie : 53,4% et en troisième à Bruxelles : 41,9%.
Les écarts entre ces chiffres restent minimes. L’unanimité qui s’en dégage est plus révélatrice. Ce que demande le secteur, ce sont des aides et des points d’appui pour améliorer sa visibilité en Belgique et à l’étranger (et de fait, ouvrir son marché vers l’extérieur). Si dans le premier cas, des initiatives comme Lisez-vous le belge ? sont destinés à titiller et amplifier la curiosité envers la littérature belge francophone, à l’international, les pouvoirs publics ont sans contexte un rôle à jouer en matière d’actions de communication et de promotion que les professionnel·les n’ont pas la capacité logistique et financière d’endosser seuls.
Par ailleurs, la profession demande un soutien à la professionnalisation et une meilleure structuration des activités. Si les contrats de filière prévoient l’examen de nouvelles sources de financement, ils incluent aussi la formation et le renforcement de l’interprofession dans leurs objectifs. Le tout, afin d’offrir plus de moyens, mais aussi une meilleure lisibilité des enjeux des uns et des autres. Par ailleurs, une structuration de la filière permettrait également de mieux identifier les ressources disponibles et les moyens d’y accéder.
Enfin, et c’est une bonne nouvelle, même si elle complique l’équation : le renforcement de la lecture publique est considéré par le secteur comme l’un des trois axes fondamentaux autour duquel devrait s’articuler un futur contrat. Il s’agit d’introduire le sujet dans les négociations au niveau de pouvoir adéquat, à la fois pour la représenter et lui offrir le meilleur soutien.
Quelles autres problématiques (en ordre d’importance) ?
Deux axes de travail remontent ensuite de manière commune dans les deux régions : le soutien à la recherche et au développement et le développement de nouveaux marchés. (Ce dernier point pouvant éventuellement être couplé dans le travail à venir à la demande d’une visibilité accrue.)
On voit que la recherche et le développement, soit la pensée de l’avenir de la filière, n’apparaissent qu’une fois d’autres fondamentaux évoqués. A contrario, on peut dire que cet avenir n’apparaît pas comme une priorité, le présent, tenant du combat pour l’existence (voire la survie) dans un milieu complexe, étant suffisamment mobilisateur.
Trois axes proposés par le sondage présentent les pourcentages les plus faibles : l’attention accrue aux questions de diversité et de parité, la prise en compte des questions environnementales et la mise en place d’un observatoire de l’économie du livre. À l’heure de la COP26, ce que cela nous dit sur l’état de santé d’un secteur par ailleurs composé d’hommes et de femmes passionnés et engagés ne doit pas manquer de nous interpeller.
À signaler également : parmi les suggestions libres apportées en complément aux axes du questionnaire, l’on retrouve de grandes revendications toujours d’actualité : le statut des auteurs et autrices, la question cruciale de la diffusion et de la distribution, la visibilité (toujours elle) dans les médias belges, ainsi que les liens à créer entre le secteur du livre et l’école. Ces questions sont de celles qui reviennent régulièrement hanter le monde du livre et les résoudre apporterait certainement un dynamisme renouvelé.
Quel niveau de pouvoir est pertinent ?
Le Contrat de filière étant un outil lié à la territorialité, le questionnaire du PILEn vous a posé la question : dans le cadre de votre activité professionnelle, êtes-vous en contact avec un ou plusieurs niveaux de pouvoir ?
Les réponses de la Région wallonne hiérarchisent clairement les niveaux : les professionnel·les rencontrent, au cours de leurs activités : en premier lieu, la Province puis la Commune, la Ville, ensuite la Région et pour terminer, la Fédération Wallonie-Bruxelles. Cependant, une partie significative d’entre eux déclare ne rencontrer aucun de ceux-là.
En région bruxelloise, plus de la moitié des professionnel·les disent n’avoir aucun contact avec ces entités. Pour ceux qui en ont, la Région est prioritaire, viennent ensuite la Commune, la Ville et la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Citons Stéphanie Meissonnier, directrice de Bibliocité, interrogée dans le cadre de l’information sur le contrat de filière : « Le contrat de filière n’exonère pas le besoin d’un médiateur qui vous accompagne pour déposer votre dossier au bon endroit et vous indiquer si la demande n’est pas adaptée au contrat. » Soit l’apparition d’interlocuteurs visibles et disponibles, aux prérogatives claires, à même d’orienter les protagonistes dans les arcanes de la nouvelle structuration. Car à quoi bon stimuler une filière entière si ses protagonistes ne savent pas ce qu’ils peuvent demander, à qui et comment ?
Article rédigé par Anita Van Belle